Un nouvel exemple des pépites que renferment les archives de la Shenov…
Le 6 février 1937, le journal Le Phare de la Loire publie un article qui nous donne des détails sur la vie à cette époque des habitants, et d’un artisan du marais : le « fabricant de yoles… » Le texte est signé « V.R. » soit Valentin Roussière (Les Herbiers 1910 – La Roche-sur-Yon 1983), journaliste, « l’un des premiers reporters-photographes, » auteur, historien…
« Le fabricant de yoles dans le marais de Monts a moins d’ouvrage que l’an dernier »
« En raison des inondations qui couvraient tout le marais de Monts au cours de l’hiver 1935-1936, le fabricant de yoles, installé sur la Charraud-Thibaud en Soullans, voyait les commandes affluer chez lui : pendant la saison des eaux, il arriva à en construire soixante-quinze…
« En l’hiver 1936-1937, pour le bonheur du Marais, les eaux n’ont pas pris un aspect catastrophique : on peut encore sortir à pied de chez soi. Aussi les commandes ont-elles atteint à peine le chiffre de quinze.
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« C’est un beau métier que celui de fabricant de yoles : il se pratique seulement l’hiver. L’été l’artisan construit des cagots pour les volailles (canards), rhabille les barriques, fabrique des râteaux ou des manches de faux comme les ouvriers ordinaires.
« Mais, dès l’automne venue, de partout les maraîchins viennent lui commander des yoles. Débordé de travail, l’homme s’attarde alors le soir à son banc d’établi apporté dans la maison : il polit des chevilles de bois à l’infini. Il en faut plus de deux cents pour une yole : suprême honneur du métier et garantie de solidité, elles remplacent les pointes de fer. »
Où l’on apprend qu’il n’y a plus de yoles dans le Marais depuis 40 ans
« Dans son atelier, où une rangée de vaches au fond mange avec bruit, l’artisan montre une yole (prononcez niole) en construction posée sur des planches. Les yoles mesurent diverses grandeurs elles vont de 10 pieds (le pied vaut 0 m. 333) à 16 pieds.
« L’artisan en réalité ne construit plus que des yoleaux (prononcez nioleaux), les yoles doivent mesurer 18 pieds, or depuis quarante ans, la fabrication en est arrêtée.
« Rentrant dans sa maison, devant un verre de vin du pays, l’homme voit se lever devant lui, au seul nom de yoles, toute une époque déjà lointaine.
« Les « anciens parents » allaient alors chercher des yolées de cendres jusqu’à Saint-Jean et à La Barre-de-Monts.
« Courageux, ils partaient à onze heures du soir : il faisait moins chaud et la yole glissait mieux sur l’herbe, la nuit. Péniblement entre les roseaux qui montaient par dessus la tête, ils parcouraient à travers le Marais de trente à quarante kilomètres. Pour cinquante sous, ils ramenaient à onze heures du matin leurs yoles pleines.
« Les Bocageons les attendaient avec de longes lignes de charrettes sur les « rives », c’est-à-dire sur le bord du champ, que l’inondation ne recouvre jamais. Ils venaient du Bocage en mai juste avant que l’eau ne s’en aille du Marais, et aussitôt ils s’en retournaient avec leurs charrettes pleines de cendres, qui formaient sur les champs une fumure estimée. – V. R. »
Sources : Le Phare de la Loire, archives de la Shenov ; archives de la Vendée pour la biographie de Valentin Roussière.
© La Maison de l’Histoire, 24 juin 2025 – d§b