De Challans à la mer, de 1850 à 1950

En 1852, Challans postule pour devenir sous-préfecture et envisage de creuser un canal, en utilisant l’étier de Sallertaine, pour avoir accès à la mer. Pourquoi pas !

En 1845, on avait bien percé la rue Gobin pour créer un nouveau quartier et un champ de foire. Les voies d’eau sont partout privilégiées et les voies de chemin de fer que les ponts et chaussées définissent comme des « canaux secs » ne sont pas encore une priorité. Alors pourquoi pas un canal puisqu’à partir de 1859, on allait s’attaquer au canal de Suez ! Rien n’est donc impossible car de Challans à la Baie de Bourgneuf et Fromentine, il y avait beaucoup moins long à creuser qu’entre la Méditerranée et la Mer Rouge.

La sous-préfecture lui fut refusée et le canal tomba à l’eau. On se contenta donc encore de la malle-poste, qui chaque jour, couvrait le trajet Nantes – La Roche via Challans, à la vitesse moyenne de 16 km/h et s’arrêtait chaque jour Place des Vieilles Halles devant l’hôtel du Lion d’Or.

N’empêche, c’est bien pour relier Challans et Fromentine que l’on construisit la première ligne de chemin de fer à voie étroite de la Vendée. Les premières liaisons datent de 1896 et l’appel de la mer comme des îles connaît immédiatement un véritable engouement.

La gare de Fromentine au temps de la villégiature balnéaire (Shenov)

Pourquoi cette idée d’un canal à travers le marais, alors qu’entre 1837 et 1838, on a achevé de construire la route stratégique Cholet – Saint-Jean-de-Monts qui passait par Challans ? Probablement parce que la côte de Monts n’offrait pas de débouché maritime, contrairement au Goulet de Fromentine. D’ailleurs, on ne se pressera pas pour raccorder directement et en droite ligne cette nouvelle route au bourg. Ce n’est qu’en 1852, quatorze années après, que l’on supprima le détour par le gué du chemin de Haute Perche et la rue du Marais. Désormais, on traversait l’ancien cimetière, passant au ras de l’église, pour rejoindre la rue Carnot, entre l’auberge Louis XIII et l’auberge du Soleil Levant.

Enfin, pourquoi Challans fut-elle la seule commune à s’opposer en 1920, au projet d’une ligne des chemins de fer de l’état, reliant elle aussi, Saint-Jean-de-Monts à Cholet ?

Desservant Le Perrier, Challans, Froidfond, Falleron, Legé, Rocheservière, Vieillevigne, Montaigu, Treize Septiers, Torfou, La Romagne, La Séguinière, et Cholet sur une distance d’environ 100 kilomètres, le nombre d’habitants résidants dans ces communes, s’élevait alors à plus de 50.000. « En plus des avantages agricoles et commerciaux que les communes recueilleraient de cette création, Saint-Jean-de-Monts qui possède une des plus belles plages du littoral deviendrait, avec son climat particulièrement doux et sa forêt de pins magnifique, capable de rivaliser avec les plus importantes stations, et serait la plage la plus abordable pour les Angevins et les Tourangeaux ».

L’argumentaire ne séduisit pas nos élus, qui pourtant, vingt ans auparavant, avaient imaginé le même projet. Pour faire sauter le verrou Challandais, on envisagea même de passer par Saint-Christophe-du-Ligneron ! Mais la route Challans Saint-Jean-de-Monts, dont on connait l’instabilité des bas-côtés, aurait-elle pu supporter le poids d’une machine à vapeur et de ses wagons ? C’est peu probable.

Puisqu’ils ne purent venir par le rail, les Angevins et les Tourangeaux arrivèrent un peu plus tard, en voiture. Et ils furent bien accueillis : cette photographie en est la preuve !

(Vendée-Ouest – 6 avril 1959)

Est-ce un désamour entre Saint-Jean et Challans ? Où préfère-t-on le train pour aller aux bains de mer ? Fromentine entretient il est vrai des liens amicaux avec Challans et la ligne de « tramway » peut être qualifiée de familiale, tant elle sait s’adapter aux désirs de la population, n’hésitant pas retarder un départ ou à ajouter un voyage suivant les circonstances.

C’est par le train que la Lyre et le Bigophone, deux sociétés musicales locales, voyagent jusqu’à la mer en compagnie des gymnastes de La Roche-sur-Yon qui les ont rejoints à la gare de Challans.

Pour une arrivée remarquée à la fête de Fromentine en septembre 1906, ils vont descendre à la gare de La Barre-de-Monts et vont continuer à pied, en passant par la dune, en jouant les pas redoublés les plus échevelés, escortés par un nombreux public. Les colombes de la société challandaise s’envolent du bord du « Ville d’Auray », qui navigue au large de la plage mais les courses à la godille et à la rame seront annulées en raison d’un coup de vent.

Le vapeur le « Ville d’Auray » (Shenov)

Les jeux sur la plage se déroulent sous un ciel nuageux mais les concours de danses maraîchines rassemblent les amateurs. Un bal populaire clôture la journée jusqu’au sifflet de la machine à vapeur. Le chauffeur et le mécanicien ont accepté cet ultime trajet hors des horaires habituels pour ramener les participants à Challans.

Jeux de plage à Fromentine (photographie Emile Breteau)

Ferdinand Brochet, le buraliste et cafetier de la place des vieilles halles de 1907 à 1926, préférait Saint-Jean-de-Monts. Ayant cédé son « Café du Commerce » à M. Gimonet, il acheta une maison, calée derrière les dunes montoises. Il s’y rendait après avoir attelé son cheval à sa carriole et traversait le marais sagement, à la vitesse de l’animal, soit 10 à 11 km/h au trot, dépassé par les rares voitures et les premiers autobus.

Entre les deux guerres et aussitôt après la seconde, l’immobilier est très abordable. Plusieurs familles challandaises vont s’offrir une villa sur la côte, notamment à Saint-Jean-de-Monts, dans certains quartiers résidentiels et calmes, sur les dunes, en front de mer et même, dans l’Avenue de la Mer qui ne compte, au début, que quelques commerces alimentaires ou des hôtels. L’essentiel des villas y sont résidentielles avec une petite cour qui donne sur la rue.

A partir des années cinquante, les estivants résident parfois tout un mois dans la station et on voit apparaître les premiers photographes de plage.

Les pêcheurs sont encore nombreux à poser leurs casiers à homards au large de la plage. Les photographes parcourent le bord de l’eau et délivrent un ticket qui permet d’aller choisir ses clichés de vacances

Challans est alors désenclavée. Le train et surtout la route voient des vagues de voitures faire l’aller/retour chaque dimanche d’été en traversant la place De Gaulle : les boulevards ne viendront que plus tard. C’est par Cholet que l’on arrive de Tours ou de Paris pour rejoindre Saint-Jean-de-Monts.

N’a-t-on pas il y a quelques décennies, accolé à la ville le slogan de Porte de l’Océan !

La voiture va devenir reine dans les années 60, et à la belle saison, tuer chaque grand week-end près de 100 personnes : la vitesse est libre, les routes mauvaises et les chocs, violents : l’hécatombe est monstrueuse.

L’âne lui, dans ce trafic de ferraille est devenu indésirable. Il lui reste à promener les enfants sur la plage alors que les premiers immeubles poussent sur les anciennes dunes.

Saint-Jean-de-Monts dans les années 1950

© La Maison de l’Histoire, lundi 9 mai 2025 – Erick Croizé.