Dès 1890, soit trois années avant le début de la construction de la nouvelle église de Challans, en octobre 1893, on s’inquiétait du financement, non assuré, de son clocher. Ce clocher dont « la flèche devait taquiner les nuages » était remis en cause par le peu d’empressement des donateurs qui pourtant, s’étaient engagés à apporter leur souscription.

Les rappels en chaire, lors des sermons du dimanche, n’y avaient rien changé. Les fidèles baissaient la tête mais ne répondaient point à l’appel.
C’est alors que le curé Branchereau, le porteur du projet, décida d’ouvrir ses livres de comptes pour rechercher le nom de tous ceux qui n’avaient pas payé les cérémonies faites pour eux ou leurs défunts. On se souvient qu’une messe par semaine, parfois plus, étaient demandées dans certains testaments, en échange des largesses accordées aux héritiers. Sauver son âme, même après la mort, restait une priorité.

Hélas, le livre de compte de la fabrique n’était pas une source fiable et nombre de ces potentiels débiteurs possédaient les reçus prouvant qu’ils étaient parfaitement en règle et que les frais d’inhumation et de messes anniversaires qu’on leur réclamait avaient déjà été réglés.
La démarche fit scandale d’autant qu’une des personnes sommées de payer ne pratiquait nullement, et était même connue pour être profondément athée !
Ce clocher porche dont la hauteur de la flèche devait faire de la paroisse le phare du marais n’était-t-il pas péché d’orgueil et allait-il nécessiter vingt ans de gestation pour réunir la somme nécessaire ?
L’exemple du nouveau clocher de l’ancienne église aurait dû servir de leçon. Il fallut en effet plusieurs années, de 1862 à 1865, pour trouver le financement permettant de l’achever et la flèche, pourtant modeste, ne fut jamais construite.

Les errements concernant le choix du lieu de la future église et les sommes dépensées en vain pour s’assurer que le terrain traversé par la route de Soullans était capable de recevoir un tel monument, avaient-ils détourné les promesses des fidèles ?
Bref, l’affaire était mal engagée et la suite ne fit que confirmer les craintes exprimées. Les sommes dépensées en vain entre 1889 et 1893 pour investir un emplacement plus central pesaient sur le budget qui, comme pour tout grand chantier, avait été dépassé, atteignant 400.000 francs au lieu des 310.000 prévus.

A qui doit-on l’absence du clocher ? Aux Challandais dit-on, qui s’étaient mis en tête de placer la nouvelle église dans l’alignement de la place centrale ? à l’entrepreneur, Monsieur Felix qui refusa, une fois son tracé exécuté, le verdict négatif des sondages effectués sur le terrain ? Aux donateurs, peut-être moins nombreux en cette fin de siècle, qui ignorèrent les nouveaux appels ? Peut-être un peu des trois.

La seule certitude, c’est que l’église resta inachevée. Pour les siècles des siècles… ?
Erick CROIZÉ
Sources : archives de la Maison de l’Histoire (Shenov).
© La Maison de l’Histoire, 24 novembre 2025 – Erick CROIZÉ – illustrations et légendes Didier LE BORNEC
