Challans 1965-1978 – La Grande Braderie des années 1970

Les braderies de Challans ne sont plus ce qu’elles étaient. Les rossignols se sont envolés ! Il faut remonter ses albums photos jusqu’à l’année 1965 pour avoir une idée de ce qu’était, alors, une braderie. Elle s’éteignit peu après 1978, lorsqu’on dut expédier le Salon des Antiquaires dans le hall de la foire exposition, pour cause de démolition des halles en béton. Ce tandem Braderie-Salon des Antiquaires avait fait merveille, si bien que l’on classait l’événement du premier week-end de février directement derrière la Braderie de Bordeaux.

Dès le vendredi soir, les halles transformées en salons cossus et parfumés des premiers mimosas de Noirmoutier, accueillaient les visiteurs, souvent acheteurs des plus beaux meubles, bibelots ou peintures. Et pendant les deux jours suivants, jusqu’au soir, plus de 150 stands rivalisaient de trésors sortis des réserves. De la gaine rose pour un maintien parfait, au fer à repasser électrique de deux kilos et demi, celui qui faisait sauter les plombs ; les fouineurs et collectionneurs de tout poil s’adonnaient à leur passion. Combien repartaient heureux, avec des kilos qui ne servaient à rien, mais fiers de leur trouvailles 

Imaginez que la célèbre Maison Bailly, qui n’avait vidé ni ses fonds de tiroirs ni ses étagères les plus reculées depuis le début du siècle, avait investi tout le devant des halles. Les chalands et même les Challandais n’en revenaient pas. Outils et clous improbables, serrures d’un autre âge ravissaient les spécialistes qui se remémoraient les gestes d’autrefois. On craquait peu d’argent, mais on craquait quand-même pour ces beaux objets destinés à son musée personnel, au désespoir de sa conjointe. Le turbulent Michel Bonnenfant, sur la même place, avait réussi à promettre une antique machine à coudre Singer à un acheteur parti faire le tour de la braderie. C’était un coup de foudre, de ceux qui rendent aveugle. Au retour du client, il dut lui avouer que, sous le coffre en bois qu’il n’avait même pas soulevé, il n’y avait plus de machine !

La quincaillerie Bailly avant 1990 et la nouvelle devanture peinte par Hubert Pacteau (archives de la Shenov)

Tout ce que Challans comptait de grandes familles de commerçants était sur le pont : les Rohé, les Fillonneau, Piveteau, Boury, Renaud, Elineau, Tesson, Bourneix, Bailly, Roux, Bonnet-Averty, Mourain, Guilbaud et d’autres que j’oublie peut-être. Ces « franchises familiales » battaient le pavé toute l’année mais n’auraient loupé sous aucun prétexte ce rendez-vous.

Ci-dessus, la place des Halles pavoisée dans les années 1960 – La braderie, qui dura 20 ans, de 1965 à 1985, se concentrait exclusivement sur la rue Gobin, la place des Halles et la rue Galliéni. Le Salon des antiquaires se tenait sous les halles et, dans les dernières années, quelques manèges s’installèrent sur la place du Champ de Foire..

Ces deux journées marquaient le retour des affaires et les parkings, lors des premières éditions, étaient remplis de Peugeot 403, de Panhard, de Dauphine, et comme les agriculteurs étaient nombreux, de 2 chevaux et d’Ami 6, les deux seules voitures qui pouvaient rouler dans les champs.

On repartait le soir avec de la vaisselle de chez JoJo qui scotchait la foule en cassant plus d’assiettes qu’il n’en vendait ou un magnifique chandelier, exposé chez les antiquaires réunis par André Flaire.

Le Président des commerçants, Pierre Renaud fendait la foule, coudes en avant pour se frayer un chemin et n’hésitait pas à faire le coup de poing avec les déballeurs récalcitrants, alors que l’incontournable Turlut (1), la casquette vissée sur la tête, cherchait le bon gars qui lui payerait un coup. Et lorsque ce premier week-end de février était doux, la fête allait jusqu’à la nuit tombée.

Michel Vandencruyce, Pierre Renaud, et Pierre Croizé (photo © E.C.)

(1) Turlut, personnage Challandais, de son vrai nom Coutanceau.


© La Maison de l’Histoire, Erick Croizé – 4 décembre 2024