Saint Lundi était le patron des sabotiers qui ce jour-là tiraient le verrou, accompagnés suivant les régions des tisserands, accusés par leurs clients de faire la Saint Lundi à répétition pour jouer au « bouchon », autre nom du jeu de palets, qui n’allait jamais sans boire un coup.
Car la Saint Lundi est souvent associée à la Sainte Bouteille, patronne des bambocheurs, des fricoteurs, des licheurs, des tapageurs, des paresseux, des flâneurs, des fainéants, des ribotteurs, des renieurs de dettes, des mauvais payeurs, des tire-carottes et des faiseurs de dettes, des carreleurs de souliers, des raccommodeurs de faïences, des rafistoleurs de parapluies et des mauvais maris !
On croirait entendre, au pays des soyeux, Madelon apostropher son Guignol de mari et son copain Gnafron !l

« Fais ce que voudras », la devise de l’abbaye de Thélème, conduite par Frère Jean des Entommeurs, aurait pu inspirer ce Saint Lundi qui ne concernait pas que les cordonniers et les tisserands, mais tous les ouvriers, les artisans et les artistes, le chômage volontaire prolongeant le repos dominical et les beuveries. Le farniente, gagné sur les contraintes du travail, ne contrariait même pas les patrons alors qu’il se prolongeait parfois jusqu’au mardi. La Saint Lundi évitait les accidents du travail et les malfaçons.
Cette pratique populaire est connue du XVIIe au XIXe siècle et Emile Zola y faisait allusion dans « l’Assommoir », paru en 1877.

« Quand on s’promène au bord de l’eau », chantait, sur un air de valse-musette, Jean Gabin dans « La belle équipe » de Julien Duvivier, sorti sur les écrans en 1936.
«Le dimanch’ viv’ment, on file à Nogent – Paris au loin, nous semble une prison, on a le cœur plein de chansons ».
Evidemment, la Saint Lundi était la bienvenue pour jouer les prolongations.
Le Front Populaire, sa semaine de 40 heures (elle était de 48 heures) et les deux semaines de congés payés, a-t-il enterré la Saint Lundi ? Le Saint Lundi, le plus fêté des saints du calendrier, car il y en a 52 dans une année, ce saint fléau était maudit par ses détracteurs. « De tous les saints de l’enfer, saint Lundi est le pire de tous. Son autel est le comptoir de zinc du cabaret, sur lequel l’ouvrier immole sa famille et sa raison, ses biens et lui-même. Espérons qu’il sera vaincu et que le dernier pochard tuera, quelque jour, ce méchant saint Lundi en lui cassant sur la tête la dernière bouteille d’absinthe ! »
A la fin du XIXe, du côté de Limoges, les ouvriers porcelainiers fêtaient encore la saint Lundi « Voyez dans ces guinguettes, ces buveurs zélés. Aujourd’hui c’est la fête, celle de Bacchus et de Cupidon. Le lundi, buvons, chantons. Fêtez, gais porcelainiers, fêtez, braves ouvriers, fêtez votre métier » Et les statistiques de montrer qu’un tiers de ces ouvriers porcelainiers perdaient la journée du lundi. Et d’invoquer sainte Bonne Conduite pour contrer cette détestable habitude !
Saint Lundi est parfois personnifié par un ouvrier, assis sur un tonneau, tenant un pichet d’une main et un gobelet de l’autre : Bacchus n’est pas loin. Connu en Angleterre, en Belgique, au Pays-bas et en Allemagne, Saint Lundi est, dans la majorité des cas, personnifié par un cordonnier ou un savetier, dansant sur un tonneau, entouré d’une foule de paresseux et de gourmands de divers corps de métiers. Une chanson les accuse d’aller voir les fillettes et de boire la chopinette, commençant leur semaine le vendredi !
Saint Lundi, c’était presque carnaval chaque semaine
Masque de Carnaval collection Peignon Nantes
Le « temps perdu » dénoncé par les uns, s’inverse au XXe siècle chez Jacques Prévert (1900 – 1977) dans l’un de ses courts poèmes qui sera chanté par Yves Montand. Ce n’est plus le travail qui est perdant, mais l’ouvrier. Le sens de l’Histoire a changé.
Devant la porte de l’usine / le travailleur soudain s’arrête / le beau temps l’a tiré par la veste / et comme il se retourne / et regarde le soleil / tout rouge tout rond / souriant dans son ciel de plomb / il cligne de l’œil / Familièrement / Dis donc camarade soleil / tu ne trouves pas / que c’est plutôt con / de donner une journée pareille / à un patron ?
Ce n’est qu’à partir de 1944 que les théâtres durent adopter un jour de relâche hebdomadaire, généralement le lundi mais à priori, sans rapport avec le saint car la fermeture temporaire des salles pouvait, avant cette date, intervenir pour de multiples occasions : décès princier, deuil national, travaux, fermeture estivale ou même, censure.
Si l’on peut constater encore aujourd’hui, que le lundi reste, pour les commerces, un jour de fermeture qui prolonge le dimanche, la Saint Lundi semble inconnue en Vendée. Les manufactures et donc les ouvriers sont, à l’époque, concentrés à Paris et dans quelques départements. Le nôtre n’en faisait pas partie. Si à Challans, les journaliers représentaient jusqu’à la Grande Guerre, 50 % au moins des actifs, ils pratiquaient plutôt la saint Mardi, jour de foire généralement bien arrosé.
Terminons cette évocation par l’album succès de Claude François, sorti en 1972. Il porte le même titre que sa chanson phare : « Le lundi au soleil ». Sur une musique de Patrick Juvet, les paroles sont signées Jean-Michel Rivat et Franck Thomas.
Le lundi au soleil / c’est une chose qu’on n’aura jamais /chaque fois c’est pareil / c’est quand on est derrière les carreaux / quand on travaille que le ciel est beau / qu’il doit faire beau sur les routes / le lundi au soleil.
Alors ? Des regrets pour la Saint Lundi ?
Sources : Le dictionnaire des Saints imaginaires et facétieux (Jacques Merceron) ; Paroles – Jacques Prévert (Folio) ; La langue du théâtre (Le Robert) ; illustrations : Histoire véritable de Guignol, Wikipédia, revue 303.
© Magazine La Maison de l’Histoire, lundi 1er septembre 2025 – Erick Croizé